Sur le flanc sud de l'Eglise, face à la Mairie, une curieuse
plaque attire le regard du passant. Jusqu'au XIXè siècle se
trouvait encore le cimetière tout autour de l'Eglise, seul
subsiste aujourd'hui ce fascinant épigramme en latin.
En voici la retranscription:
M. ioannis brasseur gymnasiarchae neopagensis
epigramma
Qui solitus ferulam pueris vibrare tremendam
Hoc clausus tumulo sum sinis ossa nihil
Consortem thalami lustro decies - revoluto
Criminis expertem vivus ego obtinui
Matronale decus mihi fata dederunt
Suspice quisquis ades fer pia vota vale
Resquiescant in pace amen
Obiit kal april 1432 ante pasca
Cette épitaphe a plusieurs fois été traduite, mais les
divergences en ce qui concerne sa retranscription ainsi que sa
traduction nécessitent qu'on s'y attarde.
La première ligne donne trois indications:
Il s'agit de Jean Brasseur (et non Brassart comme on voit
dans certains ouvrages),
Il y est indiqué comme étant gymnasiarque; même si littéralement,
il faudrait comprendre "responsable du gymnase", ce terme
désignait autrefois le maître d'école.
Sans surprise, il est évidemment neuvillois mais le terme
"neopagensis" pour le désigner est tout à fait inédit et
surprenant pour désigner la Neuville-en-Hez (qu'on désignait
généralement Nova Villa en latin). Ce terme formé de "neo" et
"pagus" n'est surement pas anodin et mérite d'être relevé.
La troisième ligne "qui solitus ferulam
pueris vibrare tremendam" a donné lieu à nombre de
retranscriptions différentes, certains y lisant "tantam" en lieu
et place de ce qui ressemble à "ferulam" : la baguette
punitive brandie par les maîtres d'école.
L'analyse latine de cette phrase m'est plutôt complexe de par sa
structure. Le fait que "tremendam" ne soit pas à côté de
"ferulam" incite à penser que les mots "pueris" et
"vibrare" ont été inversés par le graveur.
A la cinquième ligne, dans l'expression "lustro
decies" (10 lustres), il faut tenir compte qu'un lustre latin
dure cinq ans.
Pour ce qui concerne la date, le fait qu'il soit mentionné "ante
pasca" (avant Pâques) indique que le changement d'année s'opérait
à l'époque à la date de Pâques comme il en était coutume. Il faut
donc rajouter une année au nombre inscrit qui semble être 1432.
Les calendes désignant le premier jour du mois, la date est donc
le 1er avril 1433.
Voici donc la traduction ainsi obtenue:
Epigramme de M. Jean Brasseur, maître d'école
neuvillois
Habitué à brandir la férule rédoutée des enfants,
Désormais enfermé dans ce tombeau, je suis cendre, os,
néant.
Je reçus, de mon vivant, celle qui partagea mon lit
Exempte de reproche, dix lustres accomplis;
C'est l'honneur de ma femme que le destin m'offrit.
Elève le regard, qui que tu sois,
transmets mes ferventes prières. Porte-toi bien.
Reposez en paix. Amen
Il mourut le 1er avril 1433.