En 1982, Germain Montier organisa une conférence sur l'histoire
de notre village dont le texte a ensuite été publié dans le
bulletin municipal.
Préambule
Monsieur le Maire de La Neuville-en-Hez,
Mesdames, Mesdemoiselles,
Messieurs,
La présente conférence a pour titre « La Fondation de La
Neuville-en-Hez et le passé du village ».
Il ne saurait être question, évidemment, d'embrasser là, en si
peu de temps, l'Histoire de 800 ans. Je me bornerai donc, puisque
nous fêtons la fondation de notre village, à la période allant
des origines de La Neuville à la date de 1590 et je m'expliquerai
plus tard sur le choix de cette date.
Introduction
Il ne pouvait exister de cadre plus approprié et plus digne pour
ce qui va être dit que cet édifice, dans lequel nous nous
trouvons réunis et dont, certaines parties sont contemporaines du
début du village.
Qu'il me soit permis tout d'abord de rappeler que jusqu'à la
Révolution, l'entretien des églises était assumé de deux façons :
- l'entretien du chœur et des transepts était à la charge des
décimateurs, c'est-à-dire de ceux qui percevaient ce très vieil
impôt appelé la Dîme ;
- l'entretien de la nef à la charge des manants, c'est-à-dire
des habitants du village, non nobles, non ecclésiastiques, de
ceux qu'à la fin du XVIIIème siècle on nomma le Tiers Etat.
Moyennant quoi, ces habitants pouvaient, librement, se réunir là,
pour y discuter de leurs problèmes, de leurs intérêts.
Ce mode d'entretien explique que nombre de nos églises de village
ont des nerfs modestes par rapports aux chœurs de plus vastes
proportions (Litz, Bresles, La Rue St Pierre, Etouy avant 1879,
etc.).
Je trouve donc parfait que ce lieu, Mesdames, Mesdemoiselles,
Messieurs, ce lieu, patrimoine vivant de l'ensemble de la
communauté Neuvilloise, ce lieu, qui pendant 800 ans fut le cadre
de l'expression des joies et douleurs de la population de tout un
village, ce lieu, de réunion où, au cours de périodes difficiles,
il fallut s'unir contre le poids de classes oublieuses de leurs
devoirs et de l'intérêt des autres, ce lieu soit aujourd'hui le
témoin de ce que l'on va évoquer.
Il est peu de villages qui puissent se vanter d'une origine aussi
clairement motivée et précisée qu'elle l'est en ce qui concerne
LA NEUVILLE-EN-HEZ.
Avant la fondation du village
Le village fut donc fondé en 1187, il y a 800 ans. Nous y
reviendrons tout à l'heure. 1187, ceci ne veut pas dire que le
site de La Neuville et de sa forêt ne fut pas habité avant le
12ème siècle, ainsi que les historiens du XIXème siècle se
plaisaient à l'affirmer.
L'ouragan de février 1984, en déracinant des milliers d'arbres, a
mis à jour près du Poteau de la Reine, au cœur, au cœur de la
Forêt, des restes de sépultures gauloises qu'en compagnie de MM.
J.C. BLANCHET, directeur des Antiquités Préhistoriques et
Historiques de Picardie et WOIMANT, Archéologue départemental,
nous pûmes repérer nettement.
La butte de la forêt était entourée de voies gallo-romaines dont
le tracé est ocnnu et dont certains tronçons sont encore
visibles.
Le cadastre conserver le nom de plusieurs camps peut-être
gallo-romains :
- le camp de la Réserve près du Mont de Hermes,
- le camp Vésin près de Ronquerolles,
- le camp des Cerfs près d'Agnetz,
- le camp Mahé près du Couvent de la Garde,
- le camp Pelot (emplacement non repéré à ce jour).
En certains endroits, le sol rejette encore de vieilles tuiles
romaines et dans d'autres, en direction de Boulincourt, les
trouvailles actuelles de silex et de pierres taillées deviennent
tout à fait dignes d'intérêt.
Des photos de la région du Mont de Hermes, située au dessus de
l'Abbaye de Froidmont, prises d'avion, montrent en bordure de
forêt des alignements et des traces de circonférences au sol,
qu'il serait intéressant de fouiller.
Il est incontestable que vers le 5ème ou 6ème siècle exista une
verrière ou verrerie à l'endroit de la forêt portant ce nom.
Je pourrais dire aussi que des sépultures mérovingiennes existent
encore dans el sol près de Ronquerolles, au ord de la forêt, mais
je m'arrête, car la liste pourrait être longue…
Je résume en disant qu'une opinion s'affirme de plus en plus,
selon laquelle le sommet de la butte de la forêt a pu être
primitivement habité et cultivé comme le sont encore les parties
de ce plateau vers le Plessys-Billebault, Auvillers, Cambronne.
La période des invasions des Vèmes VIèmes siècles en chassa les
populations et la forêt conquit petit à petit le plateau. Entre
temps, évidemment, l'habitat et surtout la structure géologique
du terrain, sans protection aucune contre les vents soufflant de
toutes directions sur ce plateau ont pu être détruits ou
fondamentalement altérés.
1187 : fondation de la Neuville en Hez
Venons-en à 1187.
La Rue St Pierre existait déjà (plus exactement Courlieu et la
Rue St Pierre). Litz également. L'Abbaye de Wariville avait été
fondée en 1131, Froidmont en 1134, Les Verrières en 1151. Le
Prieuré de St Thibault avait succédé à une chapelle St Rémi
édifiée en 1066. Enfin Clermont commençait à prendre quelque
importance. Boulincourt existait aussi.
Donc qu'on n'imagine pas La Neuville fondée dans une région mal
connue. La forêt offrait les plaisirs et les ressources de la
chasse, et peut-être, un rendez-vous de chasse existe-t-il à
l'emplacement où s'édifia le premier château ? Rien n'est sûr.
Ce que l'on sait, par contre, c'est que la limite entre le
Comté-Evêché du puissant évêque de Beauvais et le Comté du tout
jeune seigneur de Clermont coupait la Rue St Pierre en deux, à
l'emplacement de la Rue du Jardin à Butte,
- que les rapports entre les deux comtés étaient mauvais, celui
de Clermont grignotant du terrain sur ses voisins,
- que Raoul, comte de Clermont, avait fortifié le château de
Litz, village qu'il possédait en commun avec le chapitre de la
cathédrale de Beauvais,
- que ce château de Litz fut utilisé par Raoul pour menacer les
intérêts des chanoines de Beauvais,
- que les choses se gâtèrent et que le Roi Louis VII Le Jeune
dût intervenir et ordonner la destruction du château de Litz en
1162 - avec interdiction de le reconstruire - .
Raoul réalisa alors que sa frontière avec le comté de Beauvais
perdait avec Litz un point d'appui important entre Creil et
Breteuil et il décida la construction d'un château en forêt de
Hez, non loin du château de Bresles que son propriétaire,
l'évêque de Beauvais, était en train de fortifier ; ce nouveau
château devant être une menace pour Bresles et une défense pour
Clermont.
Mais, en atteignant ce double but, il en visa un troisième :
accroître les produits du domaine seigneurial, c'est-à-dire
rentabiliser l'affaire. Ce qui l'amena à construire une église,
vicariat de la paroisse de Courlieux, et quelques mesures qui
devinrent le noyau du village (le mot masure n'ayant pas le sens
qui lui est donné actuellement, om s'agissait d'un petit domaine
avec maison d'habitation et jardin). Pour ce faire, il n'avait
pas hésité à défricher un bois appartenant au chapitre de
Beauvais et à en concéder le sol aux futurs habitants.
Ce nouveau village d'appela successivement : la
Neuville-le-Comte, Neufville, Villeneuve-en-Hez, La
Neuville-en-Hez.
Que veut dire HEZ ? C'est le nom de la forêt, mais c'est aussi
celui d'un hameau, d'un sommet, d'un bois non loin du dolmen de
Villers St-Sépulcre. C'est également le nom d'un lieu-dit et d'un
marais près de Bailleul-sur-Thérain et cette région aurait très
bien pu être habitée à l'époque gauloise par la peuplade des
Hassi dont il est question dans l'œuvre de l'histoire Pline… Hez
pourrait alors venir de Hassi.
Des avantages pour attirer les habitants…
Dès sa fondation en 1187, Raoul fit de la Neuville une prévôté
et, pour y attirer des habitants, il les exempta de taille, en
retenant seulement par an 2 mines d'avoine, 2 chapons et 6
deniers beauvaisiens par hôte occupant une masure entière (1
mine=0hl63).
Il réserva, comme de juste, les redevances dues aux anciens
seigneurs par ces nouveaux venus, mais il les gratifia en même
temps des libertés dont jouissaient les gens de Courlieu à
l'égard du rouage, du forage et autres coutumes et leur donna
l'usage du bois mort en forêt de Hez (rouage = droit de
transport, forage = droit en argent ou en nature prélevé par
tonneau de vin mis en vente au détail dans les cabarets).
Dans le même temps qu'il fondait le village de La Neuville, Raoul
détachait de la circonscription de Courlieu l'ensemble de la
forêt qui en faisait partie jusqu'alors.
Le comte Raoul partit en Croisade et mourut à St Jean d'Acre le 6
juillet 1191. […]
Voilà pour la fondation du village.
Sa croissance fut particulièrement rapide.
Le comte Raoul qui, en 1164 avait été fait Connétable de France,
c'est-à-dire - théoriquement - chef des écuries royales (du latin
: comes stabuli), mais en réalité, un des grands officiers de la
couronne, avait élevé La Neuville-en-Hez au rang des sept
prévôtés du Compté (avec Clermont, Creil, Sacy, Gournay, Rémy et
Méry) ce qui impliquait un début d'organisation administrative
autour du Prévôt.
Querelles de Clocher entre la comtesse de Clermont et le
comte-évêque de Beauvais
Le premier incident sérieux eut lieu en 1212.
Nous avons vu que le Connétable Raoul était mort à la croisade en
1191. Sa fille Catherine, nouvelle Comtesse de Clermont, s'était
occupée sérieusement de La Neuville. Elle avait confirmé les
avantages consentis aux habitants, en avait consenti d'autres au
curé, avait fondé au château une chapelle Ste Catherine pourvue
d'un Chapelain, mais, surtout, elle avait considérablement
fortifié le château pour tenir en échec son puissant et dangereux
voisin le comte-évêque de Beauvais, Philippe de Dreux qui, lui
aussi, avait transformé son château de Bresles en forteresse.
Catherine crut bien faire en détruisant ce château de Bresles,
aidée de son cousin Renaud de Dammartin.
La riposte ne se fit pas attendre, le château de la Neuville fut
rasé à son tour en 1212, la même année où décédait la comtesse
Catherine laissant pour héritier une garçon de 12 ans, Thibault,
qui devait lui-même décéder 6 ans plus tard sans descendance et
victime de la lèpre (ou de la peste).
Le comté revient à la couronne royale
Philippe-Auguste traita avec les différents héritiers, usant
d'une grande diplomatie qui fit que le Comté revint à la
Couronne. Il existe des chartes datées de la Neuville-en-Hez en
1194, 1197, 1202 ce qui prouve l'importance du bourg, résidence
officielle.
Mais cette date de 1212 est importante pour les Neuvillois que
nous sommes car il est difficilement pensable qu'un jeune comte
de 12 ans ait eu l'énergie et les moyens de reconstruire un
château important en 2 ans, c'est-à-dire pour 1214, d'autant plus
que sa mère, en s'attaquant à Philippe de Dreux et en s'unissant
à Renaud de Dammartin, son cousin, s'était rangée du côté des
tenants de cette coalition que Philippe-Auguste devait vaincre à
Bouvines en 1214 et le jeune comte n'avait aucune aide royale à
attendre.
1214, c'est l'année de naissance de St Louis que nombre de
chercheurs optimistes ou partiaux ont voulu voir s'être déroulée
dans notre village, dans son château rasé jusqu'au sol. Ceci en
dépit de documents officiels, d'époque, attestant cette naissance
à Poissy.
Quant à l'argument selon lequel Blanche de Castille serait venue
rendre visite à sa cousine, la comtesse Catherine, il ne tient
pas debout, puisque la dite comtesse Catherine était décédée
depuis 2 ans.
Une visite à Froidmont ? L'histoire de l'abbaye n'en fait
absolument pas état.
Récemment, lors d'une conférence faite à Clermont sur Robert,
Comte de Clermont, 6ème fils de St Louis, je mentionnais qu'en
1299, ce Robert signait une charte par laquelle il constituait
une dot à sa fille Marie, religieuse à Poissy, en ajoutant que le
monastère de Poissy avait été fondé par Philippe-le-Bel, son
neveu, pour honorer la mémoire de Louis IX, saint confesseur,
originaire de ce lieu.
Donc, avec Philippe-Auguste, le Comté de Clermont (et la
Neuville-en-Hez) était revenu dans le domaine de la couronne.
Pendant une longue période, il ne devait plus être que donné en
apanage à un fils puîné du roi - Apanage, c'est-à-dire que le
comté devait obligatoirement retourner à la couronne dans le cas
de défaut de descendance-.
Philippe-Auguste donna le comté à Philippe de Hurepel, demi-frère
de Louis VIII, un fils que le roi avait eu de son épouse Agnès de
Méranie. Philippe de Hurepel épousa Mahaut de Dammartin dont il
n'eut qu'une fille qui mourut avant sa mère. Louis VIII et Louis
IX laissèrent à la mère la jouissance du comté tout en y
surveillant attentivement ce qui s'y faisait.
Entre temps, St Louis avait élevé La Neuville en Hez au rang de
prévôté Royale.
C'est cette comtesse Mahaut qui, remariée avec Alphonse de
Portugal, releva en 1244 les ruines du prieuré de St Thibault, à
la lisière de La Rue St Pierre et de La Neuville en Hez […].
Donc, on peut penser qu'avant d'effectuer ces travaux secondaires
à St Thibault, les deux comtes avaient relevé le château de La
Neuville de ses ruines.
Du reste St Louis vint résider à La Neuville en 1258 et 1261.
Actuellement, une charte est exposée aux Archives Nationales,
elle fut octroyée en 1261, par St Louis, de son château de la
Neuville en Hez.
Philippe III, le Hardi, y vint également en 1275-1277
Dès 1249, l'église qui n'avait été jusqu'alors qu'un vicariat de
la Rue St Pierre, devint une paroisse. Cette modification fut
confirmée par 3 bulles du pape en 1249, 1250 et 1264.
- et redevient un Comté…
St Louis mourut à la croisade en 1270, mais avant de quitter son
royaume, il avait décidé de donner en apanage à son 6ème fils
Robert le Comté de Clermont, c'est-à-dire :
- le château de Clermont avec ce qui s'y rattache
- le château de La Neuville avec ce qui s'y rattache
- Creil
- Sacy le Grand avec ce qui s'y rattache
- Gournay sur Aronde
- Méry.
Ce 6ème fils avait 14 ans, ce sont donc les officiers royaux qui
gèreront le Comté à sa place.
En 1272, les habitants de La Neuville prétendaient qu'en vertu de
leurs privilèges municipaux, ils étaient exempts de service
militaire, ils furent déboutés par le parlement.
C'est vers cette époque que le Châtelain et le concierge du
château de La Neuville recevaient chacun 2 sous de gage par jour.
Le village comptait alors 1500 habitants, environ.
Car la présence du château, la nécessité de le maintenir en état
impliquaient l'existence d'un embryon de garnison. Il faut
rappeler aussi que le village était entouré de toutes parts de la
forêt (la partie nord de cette forêt, les Basses-Ployes, ne fut
déboisée qu'au XIXème siècle) et que cette situation rendait
difficiles les communications avec les villages voisins, donc
utile et rentable l'existence d'artisans de toutes sortes.
On imagine mal, du reste, ce que pouvait être le village d'alors.
Le chemin de grande communication était la Chaussée Brunehaut,
allant de Beauvais vers Compiègne, passant par Litz, et La
Neuville dût y être reliée rapidement par un chemin, venant du
château et passant devant l'église, de même qu'un autre chemin
dût relier le château à celui de Clermont mais en dehors de cela
ce n'étaient que pistes boueuses et sableuses reliant les maisons
les unes aux autres.
Les plans anciens ne montrent pas moins de 8 chemins différents
pour aller de La Neuville-en-Hez vers le Nord (Litz, Etouy ou
Rémérangles) au travers de la forêt.
Le tracé des rues actuelles ne vint que bien plus tard.
En 1358 éclate la Jacquerie, cette brutale insurrection d'un
peuple accablé d'impôts, pillé par les routiers, méprisé par les
nobles pourtant vaincus à Crécy (1346), Poitiers (1358), mais
qui, cependant, continuaient de ravager les maigres récoltes des
paysans , « les Jacques », pour assouvir les plaisirs de la
chasse.
Brutale insurrection réprimée de façon atroce à Clermont.
La Neuville en Hez vit passer le 11 juin 1358 Charles-le-Mauvais,
venant de Beauvais allant à Clermont, avec 400 lances et une
trouve de 500 gentilshommes et routiers, allant vers Catenoy
Nointel pour participer au massacre de 3000 « Jacques ». (Charles
le Mauvais, petit fils de Louis Comte d'Evreux fils de Philippe
III le Hardi, ayant épousé Jeanne de Navarre, fille de Louis X le
Hutin, donc rival de Philippe II de Valois).
Nous sommes en pleine Guerre de Cent Ans.
En 1370, en forêt de Hez a lieu la rencontre entre la duchesse
douairière de Bourbon, Comtesse de Clermont revenant de captivité
à Londres, avec sa fille Jeanne de Bourbon, femme de Charles V.
Ceux d'entre vous qui sont allés voir l'exposition de vieux
documents ont pu voir une gravure reproduisant l'évènement.
En 1417, c'est le désastre d'Azincourt. Les chanoines de Gerberoy
fuient devant les Anglais et se réfugient à La Neuville en Hez le
10 février 1419, ils y resteront jusqu'en 1421.
Le désordre est tel que Cornillon, capitaine du château de La
Neuville, utilise les ruines du château de Hermes comme repaire
pour mettre tout le pays à contribution et rançonner les
passants. Charles VIII ordonna le 10 avril 1431 la destruction
des ruines.
Le 30 mai 1432, le Conseil municipal de Beauvais convoque le
capitaine de La Neuville en Hez et lui ordonne de ne plus venir «
prendre » (c'est-à-dire piller) des vivres à Beauvais.
Début de la légende de Saint-Louis
En 1468 intervient un événement qui revêt une grande importance
pour La Neuville.
Le 12 août, le duc de Bourbon, Jean II, Comte de Clermont,
obtient de son beau frère le roi Louis XI (le duc de Bourbon
avait épousé Jeanne de France, fille de Charles VII) une charte
par laquelle le roi exemptait les habitants de La Neuville du
paiement de la Taille pendant 7 ans.
Le Comte de Clermont avait fait ressortir que le village avait
tellement pâti des multiples guerres et était à ce point appauvri
en hommes et chevaux qu'il ne parvenait à se redresser.
Il faisait ressortir aussi qu'il avait été dit aux habitant que
le roi St Louis aurait « pris naissance » au château du village.
Nous sommes en 1468, l'année de Péronne.
Qui était Jean II ? Bien que beau-frère du roi, il avait
spontanément adhéré en 1464 à la Ligue du Bien Public, véritable
coalition des grands seigneurs du Royaume qui visaient à détrôner
Louis XI pour le remplacer par un souverain moins soucieux du
bien du royaume et plus souple devant les prétentions des
coalisés. La fameuse bataille de Monthléry en 1465 devait bien
rétablir l'autorité de Louis XI qui, cependant restait méfiant.
Donc, quand, en 1468, son beau-frère lui demande une faveur pour
les habitants de La Neuville en Hez, il n'a garde de le
mécontenter et il accorde cette charte d'exemption de Taille pour
7 ans, pour ce village où « Monsieur St Louis, notre
prédécesseur, de glorieuse mémoire fut né et y print sa
naissance, ainsi qu'il nous a été affirmé aux dits habitants de
La Neuville… ». Il l'accorde en précisant bien que cette
naissance de St Louis à La Neuville en Hez, c'est ce qu'on lui a
dit… et aux habitants aussi. Nulle affirmation d'officiers
royaux, nul écrit n'ont servi de base à cette déclaration.
En 1472, c'est le siège de Beauvais par Charles le Téméraire.
Devant la résistance des beauvaisiens, les Bourguignons doivent
se retirer ; des bandes viennent jusqu'à La Neuville, pillent et
détruisent, notamment l'hospice St Julien (l'Hôtel Dieu).
En 1475, les habitants de La Neuville reviennent trouver Louis
XI, non plus à Compiègne, mais à l'abbaye de la Victoire près de
Senlis. Ils tentent de faire renouveler la charte d'exemption de
Taille. Cette fois, ils n'obtiennent plus que 1 an de
renouvellement. Le document est moins long, et la phrase
concernant la naissance de St Louis à La Neuville ne contient
plus la proposition restrictive : « ainsi qu'il nous a été
affirmé aux dits habitants de La Neuville… »
A propos de ces chartes qui sont exposées en permanence à la
Mairie de La Neuville, j'ai lu dans un article de journal de
1879, conservé dans un libre de manuscrits à Clermont, qu'elles
avaient été trouvées dans le grenier de la Mairie de La Neuville
par M. Collemant. Elles ont été présentées aux Archives
Nationales qui les ont déclarées authentiques.
La commune possède donc là quelque chose de son passé datant du
XVème siècle.
Il est regrettable que les sceaux ne soient pas parvenus jusqu'à
nous.
Plus tard, quand Henri IV reprendra la question pour répondre à
une demande des Neuvillois, c'est la 2ème charte de Louis XI sur
laquelle il s'appuiera.
Il en sera de même jusqu'à la fin du XIXème siècle.
Le couvent ND de la Garde
En 1480, Pierre II de Bourbon fonde le couvent de N.D. de la
Garde, près de Boulincourt.
Ceux d'entre vous qui ont visité l'exposition dans la salle des
fêtes ont pu voir un grand registre de documents et lettres de
cachet concernant ce couvent. Il existe peu de collections de «
Lettres de Cachet » comportant autant d'exemplaires en si parfait
état. On ne sait pas précisément à quelle date ce couvent fut
transformé pour devenir - aussi - un lieu de détention, sans
doute au milieu du 17ème siècle. Jusque là, c'est-à-dire pendant
près de 200 ans, il n'avait été qu'un prieuré de Cordeliers,
c'est-à-dire de Franciscains.
En réalité, c'est un gentilhomme faisant partie de la maison de
Bourbon : Raoul de Falize qui, au retour de Terre Sainte, obtint
à Rome, du pape Paul III, l'autorisation de fonder ce lieu de
retraite. Pierre de Bourbon construisit les bâtiments, avec
l'accord de Louis XI.
Le nom primitif du prieuré : St Jean de Hez devint N.D. de la
Garde en 1481. Les moines s'y établirent en 1483, le jour de
l'Epiphanie et la chapelle ne fut consacrée qu'en 1488.
Au milieu du XVIIème siècle, donc, ce modeste couvent reçoit
aussi des pensionnaires envoyés sur lettres de cachet. Aucune
comparaison possible entre la Bastille, Vincennes, l'Ile Ste
Marguerite et la Garde. Ainsi que je l'écrivais dans la notice
descriptive relative au registre exposé, tout le monde vivait et
mangeait ensemble la même nourriture et si certains pensionnaires
étaient punis parfois pour ivresse, ce n'était pas l'eau du
ruisseau de la Garde qui entrait en ligne de compte. Chacun se
promenait librement en forêt, à Boulincourt ou Clermont - et cela
dura jusqu'à la Révolution.
C'est en raison de cette semi-liberté que je n'ai pas employé le
mot de « prisonnier ».
Profession
En 1515, deux tuiliers reçoivent l'autorisation de s'installer à
la Neuville en Hez, sur des terrains proches du château et
moyennant une redevance annuelle de 16 000 tuiles. La fabrication
était rudimentaire, l'argile extraite au fond de trous à ciel
ouvert taillés dans la butte et que l'on distingue encore
nettement aujourd'hui. Les fours de cuisson n'étaient qu'une
superposition de plusieurs étages de briques qu'un feu violent,
alimenté par le bois pris dans la forêt, entretenait à
température voulue.
Ces tuileries qui occupaient peu de monde nous amènent à nous
poser la question : De quoi vivaient nos ancêtres neuvillois ?
Evidemment, la proximité de la forêt facilitait les métiers du
bois : charpentiers, lattiers, scieurs en long, mais aussi
galochiers, sabotiers, des menuisiers fabriquant aussi bien des
meubles simples que des couverts, des écuelles, des instruments
aratoires primitifs…
Des maçons pour faire ce torchis, matériau de chois, pour boucher
les colombages ou isoler les habitations.
Des tisserands, des tanneurs, des tailleurs d'habits. Et puis,
inévitablement, quelques rares laboureurs - rares, car la surface
cultivable était réduite - .
Mais surtout pendant des siècles, nos ancêtres furent occupés aux
linières de Bulles qui s'étendaient depuis Bulles jusqu'à Etouy ?
Depuis le 12ème jusqu'au 17ème siècle, on se contenta de cultiver
ce lin dont la qualité était exceptionnelle en raison de la
nature du sol.
Nous savons, par différents mémoires, que dès 1181, des procès
eurent lieu au sujet de pâtures concédées aux habitants pour que
ces derniers y élèvent une quantité suffisante de bestiaux pour
produire tout l'engrais nécessaire à l'amendement des linières.
La totalité du lin récolté là était exportés vers la Hollande,
vers Cambrai pour qu'y soient tissés les célèbres toiles fines de
Hollande.
Plus tard, on s'équipa chez nous pour tisser sur place. Ce métier
(mulquinier ou murquinier) était très malsain car le métier à
tisser devait être installé dans une cave aérée mais sans
lumière, généralement ces secondes caves communiquaient avec la
cave principale avec laquelle s'établissait un courant d'air,
mais n'en recevaient pas de lumière.
C'est une des explications de la présence constatée souvent de
caves oubliées et se trouvant en dehors des sous-sols des maisons
actuelles. Une autre explication, c'est tout bonnement, que le
village ne suivait pas au moyen-âge le plan actuel.
Les guerres de Religion
Nous abordons maintenant une autre période désastreuse de notre
histoire : les guerres de Religion.
Il n'est évidemment pas question ici d'évoquer tous les tenants
et aboutissants de cette querelle religieuse entre partisans de
l'église réformée et partisans de l'église catholique.
Qu'il suffise d'affirmer que cette querelle avec l'influence des
étrangers que chaque parti appelait à la rescousse : l'Espagne
pour les catholiques et les Guises, les Princes Allemands et, en
sous-main l'Angleterre pour les protestants, risqua de dépasser
les limites d'une guerre civile pour atteindre celles d'une
guerre proprement dite.
Je rappelle quelques dates importantes :
- le supplice d'Anne Dubourg 1559
- conjuration d'Amboise 1560
- colloque de Poissy 1561
- massacre de Wassy 1562
- la St Barthélémy 1572
- l'assassinat du Duc de Guise 1588
- la Ligue
- l'assassinat d'Henri III 1589
Dans le Beauvaisis, la situation était la suivante : Beauvais est
un des plus importants fiefs de la Ligue, c'est-à-dire du parti
catholique, comme Bresles, bien entendu. Beauvais fut la dernière
ville de France à se rendre à Henry IV, en 1596, alors que Paris
lui avait ouvert ses portes dès 1594.
Si Clermont eut le temple protestant, le 2ème de France en
importance, la ville fut parfois aussi aux mains des Ligueurs.
Par contre Mouy était un solide fief protestant, comme Warty
(actuellement Fitz-James) et comme Merlemont, près de
Bailleul/Thérain.
Le Neuville en Hez se trouvait donc au milieu des deux camps et
les rencontres entre les antagonistes, en forêt, n'avaient rien à
voir avec des promenades mycologiques.
Certaines caves du village - et je ne les connais pas toutes -
ont les caractéristiques de lieux de célébrations de cultes
clandestins, avec des possibilités de communications d'un
quartier à l'autre par un réseau de souterrains à peine connus,
car à La Neuville, comme dans toute la région, il fallut bien
s'organiser, assurer des mesures de défense, de fuite, de
ravitaillement.
Il faut tout de même penser que ces guerres de religion ont duré
près de 40 ans et qu'en 1581 on dénombrait déjà, dans le diocèse
de Beauvais 9113 tués au 30 Décembre 1580 :
- 121 gentilshommes catholiques
- 93 gentilshommes protestants
- 5200 soldats catholiques
- 4440 soldats protestants
- 44 chanoines, curés, prêtres, jacobins, cordeliers…
Le château de La Neuville était pour chacun des deux partis un
point important.
En 1572 Charles IX voulut en donner l'usufruit à sa maîtresse
Marie Touchet. Le parlement s'y oppose.
En 1589 Clermont est à ce moment aux mains du parti de la Ligue
et refuse le passage à Henry IV qui vient occuper le château de
La Neuville.
En 1590 les ligueurs viennent de Beauvais prendre le Château de
Bresles et pendant ce temps une autre garnison s'empare de celui
de La Neuville.
Quelques temps après, Henry IV le reprend, le pille et le brûle.
Henry IV reste six jours à la Neuville et s'en va ensuite gîter à
Bresles.
Le château de La Neuville, brûlé, ne sera jamais remis en état.
Fin de la prospérité
En ce qui concerne la Forêt de la Neuville, un coup du sort
l'avait frappée en 1569. Jusqu'au XIVème siècle, elle avait été
administrée par le Châtelain de La Neuville. Il avait sous ses
ordres un forestier à cheval, 4 gardes ou sergent et un sergent
préposé à la destruction des lapins (l'Histoire ne dit pas si
l'on utilisait déjà les collets !).
A partir de 1384, il y eut à La Neuville un verdier dépendant de
la Verderie de l'Evêché Comté de Beauvais et 4 sergents.
Le Verdier tenait séance de justice chaque dimanche matin devant
la porte de l'église de La Neuville en Hez. Les condamnés
mécontents pouvaient faire appel devant le bailli de Clermont.
C'est sans doute à ces coutumes qu'il faut rattacher
l'appellation d'un chemin de la forêt : « Chemin des Plaideurs ».
Germain Montier, 1982